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| | "Secret Story est une vision du monde obsédée" d'après Olivier Aïm, analyste des médias pour le Noubel Observateur | |
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@LeTwittosSecret
Sexe : Masculin Signe : : Sagittaire Com's : 15699 € virtuels : 72892 Réputation (+/-) : 166 Né le : : 25/11/1992 Age : 31 J'habite... : Aux coulisses du forum secret
| Sujet: "Secret Story est une vision du monde obsédée" d'après Olivier Aïm, analyste des médias pour le Noubel Observateur Lun 3 Sep 2012 - 14:34 | |
| Incroyable mais vrai, l'interminable "Secret Story" est toujours diffusé. Olivier Aïm, analyste des médias, s'est penché sur les relations sociales biaisées des candidats. Un élément l'a particulièrement frappé : l'omniprésence d'un vocabulaire qui renvoie à l'analité. Pourquoi cette émission produit-elle ce phénomène ?Un spectacle procto-logique L’obsession anale de la "Maison des secrets" est à la fois indirecte et systématique. Elle est indirecte car soumise à la périphrase, à l’implicite et à la censure. Comme on l’a dit ailleurs, jamais la parole dans une émission de télé-réalité n’aura autant été amuïe à coup de "bip", de blancs, d’assourdissements et de sous-titrages euphémiques. À l’image des cigarettes réservées au fumoir individuel du jardin, de l’alcool invisibilisé par des verres de couleur nominatifs, de la nudité des salles de bains quasi absente et des scènes de lits aux infra-rouges elles aussi très limitées, la parole de "Secret Story 6" est hygiénique : les grossièretés, les insultes, les injures sont voilées ; les échanges tendent vers une esthétique de roman-photo soft. Toutefois, de manière tout aussi systématique, la métaphore anale ne quitte jamais la phraséologie des candidats : "mettre une carotte", "une quenelle", "une disquette" sont des expressions littéralement obsessionnelles. Les lexies se font même vivantes et variées : "je vais lui mettre une grosse carotte sans qu’il la sente" (Yoann), "ce n’est plus une carotte mais un salsifis" (Audrey), "il va prendre une carotte et tout le frigo avec…" (Yoann à nouveau), etc. L’air de rien, ces expressions sont typiques de l’ambivalence d’une parole destinée à être spectaculaire et donc passablement violente, tout en restant familialement correcte et donc diffusable à 18h15.
Retour au stade anal de la relation sociale La récurrence de ces métaphores traduit le fond spectaculaire qu’offre, depuis le début de l’histoire de la télé-réalité, le principe de l’enfermement d’individus dans un jeu paranoptique. Le sens profond de ce spectacle est de type social, et renvoie aux "coulisses" typiques de ce que le sociologue interactionniste Erving Goffman appelait la "région postérieure". Y appartiennent l’ensemble des lieux qui sont habituellement interdits au regard comme la salle de bains personnelle, la cuisine du restaurant (pour les clients), les vestiaires des lieux publics, bref l’ensemble des "coins" (le coin est la "négation du monde" selon Jankélévitch) et des re-coins propres à chacun. Or, nous savons que ce sont précisément ces espaces de l’intime que se plaît à mettre en lumière la télévision. Néanmoins, le sens produit par "Secret Story" ne s’arrête pas là. La fable de ce retour au stade anal de la relation sociale, débouche sur une "moralité" de type communicationnel : "il faut se méfier des apparences", les relations sont labiles et trompeuses, l’animal humain (télévisé) est avant tout un être "stratégique". Le critère de disqualification d’un candidat est d’être un "faux-cul" (terme omniprésent en télé-réalité). En l’occurrence, la mise en scène de la coulisse sociale proposée par le jeu de TF1, permet de nous faire voir les "stratagèmes", les "subterfuges", les "complots", les "trahisons", en un mot : les "carottes".
Au fond, ce que désigne la leçon sociale de "Secret Story", c’est que le contact avec l’autre débouche sur un risque de manipulation, et, disons le mot tabou : de sodomisation, fût-elle symbolique. "Mettre une carotte" est la périphrase qui désigne ce que l’on pourrait appeler la menace de la stratégie de l’autre ; cet autre qui est ainsi toujours prêt à mettre en œuvre des "tours". Au sens propre, l’être-ensemble de la télé-réalité est cerné par le "trope social". De la même manière que la référence anale est figurée, le rapport aux autres est lui aussi toujours susceptible d’être tourné. Il est alors logique que les autres expressions omniprésentes dans "Secret Story" disent, soit l’inversion ("la faire à l’envers"), soit la réversion ("retourner le cerveau de l’autre"), soit la perversion (comme l’incarne à la perfection la persona torve de Julien, qui tient le rôle du "pervers" de cette sixième édition : cf. le sourire de Julien…). La cohérence et la réussite de cette sixième édition est alors double : d’une part, la représentation sous-jacente de la violence anale (et donc potentiellement sadique) est sans cesse minorée par la rhétorique du "jeu" [1] ; d’autre part, cette sémantique indirecte du renversement est congruente avec une narration particulièrement efficace dans l’art qu’elle développe de la "péripétie". Comme la périphrase pour la parole, la péripétie permet à "Secret Story", non seulement, de "tourner autour du pot", mais encore de "renverser" et de "bouleverser" (mot récurrent dans la bouche de Benjamin Castaldi) l’histoire et le récit, qui semblent cette année plus que jamais potentiellement interminables.Moralité de la fable Avec tout son arsenal fabulaire, "Secret Story" fait parler la Sagesse des Nations, à savoir ce sens de la psychologie et de la sociologie sauvages. La force du récit télé-réaliste est que chaque téléspectateur se prend au jeu du jugement et du commentaire à valeur générale. Chacun en tire des moralités. Le téléspectateur est aidé en cela par La Voix de la "narratrice" qui est là tout au long des quotidiennes (absente lors des cérémonies hebdomadaires) pour nous livrer des citations, des maximes, des paroles gnomiques et des conseils, qui font écho aux premières théories sociales que l’histoire a laissées : les "manuels de cour" du dix-septième siècle. Une valeur se détache à cette époque, où la cour est d’abord conçue comme un espace de jeu dangereux voire mortel : c’est la valeur de "prudence" (cf. Gracian par exemple). Quelques siècles plus tard, "Secret Story" nous livre cette vision d’un monde stratégique et pour tout dire particulièrement mesquin, où, pour ne pas être la dupe du cryptage social et de ses "carottes" menaçantes, rien n’est mieux, au fond, que d’adopter ce que Pascal appelait la "pensée de derrière". | |
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