Comment allez-vous, Jean-Luc ?Je me sens très bien, soulagé, comme libéré d'un poids... Cela faisait longtemps que je voulais arrêter la drogue et quitter le monde de la dépendance. J'avais prévu de m'arrêter fin septembre après mes tournages J'avais consulté un médecin pour cela, mais le calendrier m'a rattrapé...
Votre arrestation à votre domicile a-t-elle été traumatisante ?Non, car je pressentais qu'un jour ou l'autre, ça m'arriverait... Au contraire, j'ai ressenti immédiatement un soulagement, car je savais que c'était désormais fini ! J'ai décidé de me prendre en main et de partir faire une cure de rétablissement.
Votre cure a duré près d'un mois. Comment vos journées se déroulaient-elles à la clinique de la Métairie ?Les premiers jours ont été très difficiles... nous sommes isolé, sans téléphone, avec peu ou pas de contact avec l'extérieur. J'ai rejoint un groupe d'une douzaine de personnes dépendantes des drogues, dont l'alcool, qui est peut-être la pire de toutes ! Nous nous réveillions chaque matin à 7 heures pour partager le petit-déjeuner avec le groupe. Dans la journée, nous enchaînions les groupes de parole dirigés par un thérapeute ou, parfois, autogérés. Chaque jour, nous avions aussi du temps pour faire du sport et l'obligation de travailler par écrit les étapes de notre rétablissement. C'est la méthode Minnesota, inventée en 1935 par deux malades alcooliques qui ont créé les Alcooliques anonymes. Actuellement, plus de 2 millions de personnes dans le monde suivent cette méthode.
En quoi consistaient les thérapies ?Tour à tour à se raconter et à écouter. Le travail des thérapeutes est très subtil... Ce sont tous d'anciens dépendants qui ont la passion d'aider les autres et qui connaissent leur sujet. Nous avions chaque soir un groupe de parole avec des intervenants extérieurs. C'était des témoignages soit d'alcooliques anonymes (AA), soit de narcotiques anonymes (NA) qui nous apportaient leur expérience.
Pourquoi parlez-vous des Alcooliques anonymes ?Parce que j'ai décidé d'arrêter définitivement toute prise d'alcool !
Vous étiez alcoolique ? Vraiment ?Comme nous sommes alcoolique quand on boit un verre de vin chaque jour... Lorsque j'ai tenté d'arrêter la drogue la première fois, j'ai tenu quatre ans. Mais j'ai développé un problème d'alcool la première année... J'avais des pertes de contrôle... Alors, quand je suis arrivé à la clinique pour arrêter la cocaïne, j'ai finalement décidé d'arrêter aussi l'alcool. Même s'il ne s'agit que de quelques verres par semaine, je ne peux pas prendre le risque qu'une dépendance verse dans une autre. Vous comprenez, en arrêtant la cocaïne, je ne voulais pas risquer de me réfugier dans le vin ou le whisky...
« Je savais bien que j'avais un problème, mais je me mentais à moi-même »Votre famille savait-elle que vous vous droguiez ?Non, je leur ai toujours caché...
Pourquoi ? Vous aviez honte ?[Visiblement ému.] Oui... C'est exactement ça... Par honte... Et pire encore : la honte d'avoir honte ! Je prenais de la cocaïne en solitaire, pas tous les jours, mais surtout le soir pour écrire et me couper du monde. Ce produit toxique donne un sentiment de puissance qui s'avère assez vite stérile. Et puis je savais bien que j'avais un problème, mais je me mentais à moi-même !
Qu'avez-vous appris sur la maladie pendant votre cure ?J'ai découvert avec surprise que la dépendance est une maladie primaire. Elle fait partie de l'inné, non de l'acquis. Les dépendants naissent même avec une sensibilité cinq à sept fois supérieure à la moyenne ! On apprend aussi que le produit est plus fort que nous. Mais j'ai surtout compris beaucoup de choses sur moi-même au cours de cette cure...
Quel genre de choses ?Que j'étais encore plus sensible que je ne le pensais. J'ai découvert aussi que je m'étais trop blindé émotionnellement par peur de prendre des coups. Alors qu'en réalité je suis beaucoup plus heureux quand je m'ouvre aux autres. Mais le plus important, c'est que... [Il réfléchit, très ému.] j'ai découvert que ce n'était pas de ma faute si j'étais dépendant... Que c'était inscrit dans mes gènes... Et que je devais me défaire de cette culpabilité et de cette honte.
Le Jean-Luc d'aujourd'hui vous plaît-il ?[Toujours ému.] J'aime bien la personne que je suis quand je suis à jeun... Oui... je préfère nettement cette personne-là !
Vous allez continuer à fréquenter des groupes de parole ?Oui. Actuellement, je participe à quatre groupes par semaine, car je suis en phase de rétablissement. J'ai un parrain que je peux appeler vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ! C'est très important. Il faut prendre l'habitude d'appeler, même quand ça va bien. Et puis je vais revenir un jour par mois à la clinique pendant au moins un an. Ce programme s'inscrit dans la postcure.
« Je raconterai tout à mon fils plus tard, je n'attendrai pas qu'il me le demande »Avant de partir en cure, vous avez dit qu'il y avait une personne dont vous ne vous étiez jamais occupé dans votre vie : vous-même ! Vous avez réparé cet oubli ?Oh, ça oui ! Je me suis écouté, je me suis rencontré. J'ai découvert quelque chose que mon thérapeute appelle l'égoïsme sacré. La nécessité de faire passer mon rétablissement d'abord ! Avant tout le reste...
Mais vous n'êtes plus malade, Jean-Luc...J'ai une maladie qui s'appelle la dépendance... Je ne suis pas responsable de ma maladie, mais je suis responsable de mon rétablissement. J'ai tous les outils aujourd'hui pour pouvoir m'en sortir, mais pour ça il faut que je m'écoute... Quand on arrête définitivement la cocaïne et l'alcool, ça fait un grand vide... [Long silence, ému.] La drogue servait à combler mes vides et à me protéger des émotions trop fortes que je ressentais. Aujourd'hui, j'écoute mes émotions. Ça donne un peu le vertige... Ça fait pleurer, même... Mais ces larmes sont comme des points de suture sur mes souffrances.
Votre fils, Jean, comprend-il ce qui vous arrive ?Il vient d'avoir 4 ans... Je ne crois pas qu'il ait tout compris. Ou peut-être que si... Je ne sais pas... Je lui ai dit que je partais en cure parce que j'étais très fatigué et que je devais me reposer. Mais je lui raconterai tout plus tard... Je n'attendrai pas qu'il me le demande.
La rechute, vous y pensez ?Je sais qu'elle est possible. Mais j'ai la volonté de ne jamais reprendre. Aujourd'hui, je suis un abstinent en voie de rétablissement. Et je m'accroche... J'ai également choisi de me soumettre à un test de dépistage hebdomadaire.
Pourquoi ? Vous y êtes obligé ?Non, mais je veux me prouver à moi-même que je tiens le coup. Ensuite, je veux apporter la preuve que ce que je dis est vrai. J'ai lu et entendu beaucoup de choses fausses sur mon compte dans des journaux qui confondent scandale et information, sans que jamais les deux ne se rejoignent. Eh bien, j'aurai la preuve, grâce à l'historique de mes tests semaine après semaine, que je n'ai pas replongé.
Vous trouvez que la presse a été dure avec vous ?Globalement, je la trouve équilibrée. Mais parfois cela va trop loin. Quand le magazine
Marianne publie le procès-verbal de mon audition, par exemple... Ou quand un paparazzi prend des photos de mon interpellation en bas de chez moi à 6 heures du matin. Il a forcément été prévenu et des magazines ont publié ces photos au détriment du respect le plus élémentaire de la personne.
« Laurent Fontaine et Jean-Marc Morandini ? Je ne les connais pas ! »La police s'est-elle bien comportée à votre égard ?Les policiers ont été corrects avec moi. Ils ne m'ont traité ni mieux ni moins bien que les autres. Et c'est ce que je souhaite. J'ai lu cette phrase délicate et pleine d'humanité de
Patrick Sébastien, qui déclarait que je devais être sanctionné comme les autres. Eh bien, je ne demande que cela : « comme les autres », mon cher Patrick ! Je l'aime beaucoup et je suis même prêt à l'accompagner dans un groupe de parole anonyme.
Laurent Fontaine ne vous a pas épargné chez Morandini, sur Direct 8...Vous prononcez les noms de deux personnes que je ne connais pas. La différence entre nous, c'est que, moi, je ne parle pas d'eux ! D'ailleurs, un sage de l'Antiquité a dit : « Avant de juger quelqu'un, il faut d'abord marcher 1 kilomètre dans ses sandales ».
Vous avez également reçu beaucoup de soutiens...Oui, et je remercie des gens comme
Laurence Ferrari, Frédéric Mitterrand, Nikos, Stéphane Plaza... ou les directions des chaînes de télévision qui m'ont manifesté leur soutien et leurs encouragements. Mais c'est surtout le public qui est le plus présent. Vous avez passé la journée avec moi et vous avez entendu ce que me disent les gens que nous avons croisés. Il n'y a pas un jour sans que quelqu'un m'aborde en disant : « Battez-vous ! Accrochez-vous ! Vous allez vous en sortir... ».
Arrestation, garde à vue, enquête de police... Comment vivez-vous tout cela ?Avec sérénité. Je tâche de me rappeler la phrase qui conclut chaque groupe de parole : « Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse d'en connaître la différence ». Voilà, je ne vais donc pas m'énerver sur ce que je ne peux pas changer...
La mise en examen, ça vous fait peur ?Non, je n'ai pas peur, car j'accepte les choses que je ne peux pas changer.
Après votre retrait de la présentation de Toute une histoire, quel est votre avenir sur France télévisions ?Le mois que j'ai passé en cure a été une renaissance pour moi. C'est un tournant dans ma vie et je n'aurais jamais pu revenir comme avant. Et puis
Sophie Davant fait un super boulot sur
Toute une histoire. C'est une décision prise d'un commun accord avec France 2 et je passe la main à Sophie en toute confiance. J'ai aujourd'hui le souhait de créer une émission de deuxième partie de soirée. Mais, par expérience, je sais que je dois prendre mon temps pour être sûr de moi avant de la proposer. Pour l'heure, c'est d'abord à mon rétablissement que je dois penser.
« Je suis profondément amoureux depuis près d'un an »Vous avez produit une nouvelle émission pour TF1 ?Oui. Elle s'appelle
Un Homme de loi et sera diffusée le 30 novembre. C'est une émission de Télévision-vérité dans laquelle on accompagne les familles, les prévenus et les parties civiles avant, pendant et après un vrai procès d'assises. C'est l'avocat Marc Geiger, qui est déjà intervenu souvent au cours de mes émissions, qui présente le programme. Nous avons d'ailleurs d'autres projets en cours avec TF1.
Et sur les autres chaînes ?Avec Réservoir Prod, nous poursuivons notre collaboration avec M6 sur
Maison à vendre et
Recherche appartement ou maison, avec Stéphane Plaza, et
Vies croisées sur W9, avec Faustine Bollaert. Et également sur NRJ 12 avec
Tellement vrai et
Une fois dans leur vie.
Avez-vous des projets plus... personnels ?Début 2011, j'aurai terminé la première étape de ma guérison. La deuxième étape de la méthode Minnesota consiste à rendre ce que l'on vous a donné et à transmettre ce que l'on a appris. C'est pourquoi j'ai décidé de créer une fondation qui aura pour mission d'informer les collégiens et les lycéens sur les dangers de l'addiction aux drogues, dont fait partie l'alcool. Je vais donc prendre la route avec un camping-car et partir dans une cinquantaine de villes en France, en Suisse et en Belgique pendant trois mois à raison de quatre à cinq jours par semaine ! Je pense commencer en février ou en mars et je dormirai dans mon camping-car, voire parfois dans un hôtel s'il fait trop froid... Et, à chaque étape, j'organiserai des réunions dans les collèges, les lycées, les salles polyvalentes et les MJC.
Pourquoi faites-vous cela ? Vous cherchez une forme de rédemption ?Je veux surtout partager mon expérience et aider les jeunes qui courent le risque de se retrouver un jour dépendant de la drogue ou de l'alcool. Je vais faire chaque matin une réunion dans un collège ou un lycée. Un vrai débat avec questions et réponses, et surtout pas un cours magistral ! Puis, l'après-midi, je rencontrerai les parents qui le souhaitent. Il faut savoir qu'en France 4% des moins de 18 ans ont déjà touché à la cocaïne. Et, pour l'alcool, c'est bien pire ! Je veux faire cela pour eux, mais aussi pour moi. Pour garder le cap. Par ailleurs, tous ceux qui souffrent de problèmes de dépendance peuvent m'écrire directement s'ils veulent me parler. Je promets de répondre personnellement à toutes les lettres sur l'addiction et la dépendance que je recevrai !
Avez-vous une personne à vos côtés pour traverser ces moments que vous vivez ?Oui. Une femme extraordinaire dont je suis profondément amoureux depuis près d'un an. Le destin nous a placés trois fois sur le même chemin et nous avons eu la chance de nous reconnaître... Elle est forte, intelligente, douce et extrêmement drôle ! Je mesure ma chance de l'avoir près de moi. C'est une deuxième vie qui commence...
Propos recueillis par Nicolas Vollaire